Il n'est guère plaisant de poster son tout premier billet sur une note aussi triste et déplaisante. Pourtant, il est tout simplement impossible de passer à travers. Comme vous le savez, Patrick Roy, maire de Denain, député à la veste rouge au sein de l'Assemblée Nationale et surtout grand défenseur de la cause metallique, a succombé au cancer qui le rongeait.
Il serait mentir de dire que je le connaissais personnellement, je ne l'avais jamais vu, jamais parlé. La seule chose qui me rattache à lui a été de transcrire l'interview qu'il avait donné pour Radio Metal en juin dernier. Epoque où le député avait brandi le numéro spécial Hellfest de RockHard à l'hémicycle afin de défendre le festival. Epoque où moult metalleux se montraient encore farouches envers lui au sujet de la sincérité de son acte, hurlant au scandale qu'un politicien protège leurs intérêts afin d'asseoir sa popularité au sein de la communauté metallique. Paranoïa totalement stupide. Oui, stupide. Quel intérêt aurait-il de s'attirer les faveurs d'une communauté marginale et totalement rejetée pour assurer son ascension politique ? Qu'on se le dise, le nombre de metalleux en France est loin de représenter la majorité de la population. Il n'avait donc absolument aucun intérêt de suivre cette voie pour espérer voir son rôle grimper au sein du gouvernement. De plus, dans cette interview que j'ai pu transcrire et donc écouter de façon attentive, son discours et son constat sur le metal en France était emprunt d'un réalisme troublant. Une sincérité troublante aussi, il y avait juste à regarder comment il connaissait son sujet, tant en terme de constat qu'en terme de connaissance musicale. Il suffisait de voir la programmation des Metallurgicales, le festival metal qu'il a mis en place dans sa ville de Denain, pour s'en convaincre. Festival auquel il a pris part l'an dernier aux côtés de Mass Hysteria, guitare en main d'ailleurs.
Ce que beaucoup pouvaient lui reprocher également, et lui reprochent peut-être toujours encore soit dit en passant, était de faire monter le metal sur un piédestal à cause de ses prises de parole à l'Assemblée Nationale et aux médias. Les conservateurs de notre style fétiche proclamant que celui-ci doit rester dans l'ombre, underground, sont en effet très nombreux. Mais, d'un certain côté, que voulait Patrick Roy ? Mettre le metal au premier plan ou simplement faire en sorte qu'il soit reconnu de la même manière que les autres styles dans notre beau pays ? La seconde solution assurément. La peur de beaucoup de metalleux sur une éventuelle médiatisation du style se résume au simple argument que cela le rendrait moins intègre, de la même manière qu'on peut le voir dans le rap, le r'n'b ou même la variété française. Qu'on se le dise, que l'intégrité soit remise en cause à cause de petits malins voulant se remplir les poches au détriment de la qualité est un risque. On en est témoin dans beaucoup d'autres styles : il suffit d'écouter les grandes radios de la bande FM pour s'en convaincre. Mais, pourquoi les choses ont-elles dégénérées comme ça pour tous ces autres styles ? Car personne ne s'est élevé en hurlant au scandale. D'un côté, n'est-ce pas là notre rôle ? Se lever et dire "ola" lorsqu'on voit que les choses dégénèrent ? A côté de ça, on se cache dans l'ombre en cachant notre bébé au fin fond de notre cave, à l'abri de toute lumière, de peur qu'il se prenne un coup de soleil. Est-ce ceci la bonne solution ? Ne nous voilons pas la face, jouer à l'autruche de cette manière ne joue assurément pas à notre faveur. Le metal n'est pas reconnu, n'est pas accepté, ni même un tant soit peu toléré en France. Nous ne somme qu'une vulgaire secte satanique, grotesque, irrespectueuse et violente. Les clichés ont bon dos, et surtout signe d'une méconnaissance et incompréhension de la population. Et cela en résulte que l'on doive se battre pour tout et n'importe quoi en rapport avec le metal. Il suffit de simplement constater : les groupes n'ont pratiquement aucun moyen financier, les concerts ne sont pas si fréquents, la France est souvent laissée de côté par les groupes lors de tournées européennes et mondiales et un festival tel que le Hellfest est continuellement menacé. Et c'est à ces moments que tous les metalleux se lèvent et râlent pour se faire entendre. Bien contradictoire lorsqu'on clame haut et fort que notre musique se doit de rester dans l'ombre.
Cela prouve que chacun de nous, même les conservateurs, a le désir de voir un minimum de reconnaissance. Pas que le metal passe sur NRJ bien entendu mais qu'il soit reconnu comme un style musical comme tous les autres. Et pour les plus peureux, prenons un exemple : le jazz. Voilà un style sectaire et fermé. Pourtant, il est respecté et très peu de débordements au niveau de son intégrité sont à déplorer. Pourquoi ne pourrait-il pas être de même avec le metal ? Ceci, le maire de Denain l'avait compris et c'était très certainement ce genre de but qu'il se fixait pour gagner la bataille. Car après tout, c'était un passionné et comme tout bon passionné, il voulait de la tolérance lorsqu'il parlait d'une des choses qui était le plus cher pour lui et non pas rester dans la frustration du tabou que la société française nous impose plus ou moins.
Ce que savait peut-être Patrick Roy, c'était que tous les gens rejetés finissent toujours à la longue par ressentir une certaine peur pour leur semblable. Ce qui expliquerait la raison que beaucoup se cachent derrière des idées d'autruche pour sauvegarder une prétendue intégrité. Et le seul moyen pour que la peur s'atténue était qu'une personne courageuse se lève et proteste, clame que les choses doivent changer. Et le voilà cet homme courageux : ce député à la veste rouge.
Ce qui est attristant, voire fait provoquer une certaine colère, est que son sort est injuste. Son courage a été remercié par le crabe l'ayant emporté prématurément à l'âge de 53 ans. C'est pour cela que l'on ne peut pas rester de marbre à cette situation. Cet homme qui s'est battu pour nous alors qu'il n'y était pas obligé, il faut lui rendre hommage. Les moyens pour le faire sont divers, il n'y en a pas qu'un. Mais peut-être que tendre la main pour reprendre le flambeau qu'il a saisi pendant tout ce temps serait une bien belle manière de le remercier. De continuer à se battre, de faire en sorte que le metal ne soit peut-être pas accepté en France, mais dans un premier temps toléré pour ainsi voir notre style fétiche continuer à vivre, dans nos oreilles et dans nos cœurs.
En tout cas, Monsieur Patrick Roy, un grand merci pour ce que vous avez fait. Rust in peace and stay metal !
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